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Droit d'asile : la presse entre indignation et pragmatisme

Le Point.fr

 

Le 21-10-2015

Politique Internationale

 

Par Le Point.fr avec AFP

 

Alors que "Libération" s'insurge et pétitionne contre la "jungle" de Calais, des éditorialistes souhaitent que l'État dépasse les bons sentiments et devienne efficace.

 

Galvanisé par 800 signatures d'intellectuels, le quotidien Libération exhorte l'État à accueillir dignement les migrants de Calais, n'en déplaise « à une fraction de l'opinion, encouragée par des politiques et des intellectuels de l'intolérance, écrit Laurent Joffrin. Des milliers de personnes vivent [à Calais] dans des conditions qui révoltent la conscience. Bien sûr il est impossible d'accueillir sans limites, de s'affranchir de toute régulation de l'immigration. Aucun gouvernement ne le fait, et la plupart des associations qui s'occupent des migrants le reconnaissent volontiers. Mais dans la sixième puissance économique du monde, il est impossible de ne pas dégager des moyens suffisants pour rétablir dans la « jungle » de Calais une vie digne. »

Une pétition qui provoque quelques railleries de Paris-Normandie : « Cela ne mange pas de pain..., constate Baptiste Laureau, dans son édito. Car, qui peut se satisfaire que près de six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, soient laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles ? La démarche est plus que louable, mais qu'espèrent réellement les signataires, si ce n'est se donner bonne conscience ? »

 

« Y a-t-il un pilote dans l'avion ? »

Hervé Favre, à La Voix du Nord, voit quant à lui dans le recours à un avion privé pour déplacer ailleurs en France les migrants de Calais, un réel effort de la part du gouvernement. « On ne peut pas (lui) reprocher d'essayer de dissuader les candidats à la traversée impossible en les incitant à faire une demande d'asile en France ». À cela près que l'enquête réalisée par StreetPress montrait que les migrants étaient nombreux à revenir coûte que coûte vers la porte d'entrée vers la Grande-Bretagne.

Didier Rose, des Dernières Nouvelles d'Alsace, se demande d'ailleurs « si, en matière de politique d'asile, il y a un pilote dans l'avion ». Et de poursuivre : « L'État ne reconnaît pas que la filière de l'asile est devenue une porte d'entrée en France. Or, les déboutés trouvent souvent le moyen de rester. Et l'immigration clandestine trouve là une voie royale. Plutôt que de l'avouer et de réagir, les pouvoirs publics sont tentés d'en minorer l'ampleur - et le prix. »

Le Monde rapporte en effet les chiffres édifiants d'un rapport de la Cour des comptes. « L'enquête de la Cour fait apparaître que le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français, notifiées aux personnes déboutées du droit d'asile, est de 6,8 %, à comparer avec une moyenne de 16,8 % pour l'ensemble des étrangers en situation irrégulière. Comme un débouté sur deux reçoit une obligation de quitter le territoire, ce sont 3,5 % des refusés qui repartent. « In fine, plus de 96 % des personnes déboutées resteraient en France », écrit Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. Sur 40 206 personnes déboutées du droit d'asile en 2014, 1 432 ont été éloignées. » Des chiffres qui, selon le quotidien, ont le mérite de nous sortir du « fantasme ».

 

Sortir des bonnes intentions

Mais des chiffres qui interpellent Raymond Couraud, du journal L'Alsace : « La politique française du droit d'asile est aussi coûteuse qu'inefficace, si l'on en croit le rapport. [...] Les dépenses liées à la politique du droit d'asile viennent s'ajouter aux contributions que la France verse à l'Europe pour gérer, plutôt mal que bien, le flot incessant de réfugiés qui frappent à nos portes. » Pour l'éditorialiste, « Paris et Berlin appliquent un traitement social à un dossier avant tout politique ». En clair, « cette gigantesque opération caritative risque de déséquilibrer davantage les pays les plus pauvres de l'Union sans débloquer d'un pouce la situation en Syrie. »

Sortir de l'humanitaire et des bonnes intentions pour élaborer des solutions pragmatiques, c'est aussi le souhait de Jean-Francis Pécresse, aux Échos, qui commente la proposition de loi des écologistes de créer un statut de « réfugié climatique », et examinée en principe ce mercredi : Ce ne serait qu'« un égarement supplémentaire », selon lui. « La proposition de loi écologiste part d'une bonne intention [...] mais plutôt qu'une nouvelle convention inapplicable, la communauté internationale à mieux à leur offrir : un cadre regroupant les services de base à apporter aux réfugiés, du Nord comme au Sud. »



21/10/2015
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