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La "diplomatie parallèle" de Nicolas Sarkozy

Le Point.fr

 

Publié le 29-10-2015

Politique International

 

Par Le Point.fr avec AFP

 

Depuis Moscou, l'ancien président Nicolas Sarkozy a pris position pour un rapprochement avec Poutine, à rebours de la position officielle de la France.

 

              

Vladimir Poutine et Nicolas Sarkozy, en novembre 2012.     © AFP/ NATALIA

 

Nicolas Sarkozy a donc appelé jeudi à Moscou les Occidentaux à rompre l'isolement de la Russie. Il a jugé globalement "plus positive que négative" l'action de Vladimir Poutine. "Entre nous, il faut choisir le rapprochement et le dialogue. La France et la Russie ont besoin de travailler ensemble", a déclaré le président du parti Les Républicains lors d'un discours devant les étudiants du MGIMO, le prestigieux institut des relations internationales de Moscou.

"Dans le monde qui est le nôtre, nous devons à tout prix éviter une nouvelle guerre froide", a ajouté l'ancien chef d'État, qui doit rencontrer dans l'après-midi le président russe Vladimir Poutine dans sa résidence de Novo Ogarevo, près de Moscou. "Isoler la Russie n'a aucun sens", a martelé Nicolas Sarkozy en référence à la détérioration des relations entre Occidentaux et Russes dans la foulée de la crise ukrainienne. Commentant l'engagement russe, militaire et diplomatique en Syrie, il a estimé que la Russie était "incontournable" dans le règlement du conflit.

 

Le départ de Bachar n'est "pas un prérequis"

"L'action de Poutine au-delà de nos désaccords a été plus positive que négative", a-t-il souligné en réponse à une question d'un étudiant sur le bilan qu'il faisait de la présidence de Vladimir Poutine. "Les frappes aériennes ne peuvent suffire et ne suffiront pas" pour régler le conflit syrien, a par ailleurs souligné l'ancien président français. "On ne pourra continuer avec deux coalitions parallèles, comme si la situation n'était pas déjà assez compliquée, qu'il fallait deux coalitions internationales qui ne partagent qu'une partie de leurs objectifs et s'affrontent sur les autres", a-t-il dit en référence à la coalition menée par les États-Unis et aux frappes russes visant à appuyer une avancée de l'armée syrienne. "Il faut réunir ces deux coalitions en une seule. C'est le seul moyen d'aboutir à une solution politique", a estimé M. Sarkozy.

Concernant le sort à réserver au président Bachar el-Assad, le principal point de divergences entre Russes et Iraniens, d'un côté, et Saoudiens, Turcs et Occidentaux, de l'autre, M. Sarkozy a rappelé que "quelqu'un qui a sur la conscience la mort de 250 000 compatriotes ne peut pas représenter l'avenir de son pays". "À un moment, il devra partir", mais "son départ ne doit pas être un prérequis" avant toute solution politique.

 

Une démarche inédite

La démarche du président de Les Républicains ne fait pas l'unanimité à droite et est sévèrement critiquée à gauche. Il faut dire qu'elle est plutôt inédite : celle d'un ancien président toujours activement engagé en politique en visite chez l'un des plus importants dirigeants de la planète, livrant une analyse antagoniste de la position officielle française. Mais "ça ne pose pas de problème. La diplomatie, c'est le président qui la fait", évacue un diplomate.

Nicolas Sarkozy a évolué à l'égard du président russe. Avant son élection en 2007, il avait multiplié les critiques contre les "exactions" en Tchétchénie. Alors taxé d'atlantisme, il avait reproché à Jacques Chirac d'aller "serrer la pogne de Poutine". Et le Kremlin avait mis deux jours à féliciter le nouveau locataire de l'Élysée. Puis vint la crise russo-géorgienne de 2008. Alors président en exercice de l'Union européenne, M. Sarkozy avait proposé sa médiation, non sans essuyer quelques critiques de plusieurs pays de l'ex-bloc de l'Est.

Sept ans plus tard, la donne a changé. La droite française est dans l'opposition et reproche majoritairement à François Hollande son attitude envers Moscou, sur fond de sanctions économiques mutuelles UE-Russie. Et en Syrie, "la France est hors-jeu" en raison de "l"intransigeance irréfléchie de François Hollande" envers Moscou, estime François Fillon, qui lui aussi a quelque peu varié vis-à-vis du maître du Kremlin. L'ancien Premier ministre a plusieurs fois qualifié M. Poutine de "dictateur", après lui avoir donné du "cher Vladimir" en 2013.

 

Un agitateur ?

"Il y a quelque chose qui me chiffonne chez une partie de la droite française", analyse un ministre actuel, "autant je vois bien cette inclinaison historique chez une partie de la droite (la méfiance "gaulliste" vis-à-vis des Américains, NDLR) et François Fillon est dans une déclinaison historique de cela, au sens noble du terme", autant "il y en a d'autres qui sont des agitateurs, qui se positionnent uniquement dans le sens inverse de ce que dit François Hollande. Sarkozy fait partie de ceux-là. Il est prêt à tout, même à lécher les babouches de Poutine."

Certains, à droite, sont plus circonspects, tel Alain Juppé qui avait dénoncé, en avril, "un accès de russophilie aiguë à l'UMP". Hervé Mariton, russophone, a dit souhaiter que Nicolas Sarkozy "soit très attentif à ne pas s'aligner sur Poutine" et ait "en tête les intérêts de la France".

À gauche, les réactions oscillent entre la modération –"chacun a le droit d'aller discuter" dixit le patron des députés PS Bruno Le Roux lui-même persona non grata à Moscou – et l'indignation, les radicaux de gauche dénonçant une "diplomatie parallèle".

Autre donnée de l'équation : la conversion russophile du Front national. "Depuis que Marine Le Pen et son père ont touché des millions par une banque tchéco-russe, on observe une fascination d'un certain nombre de dirigeants. (...) On a vu M. (Nicolas) Dupont-Aignan se précipiter à Moscou, Mme (Nadine) Morano brusquement faire un club d'amitié franco-russe", a déclaré sur France Info Cécile Vaissié, directrice du département de Russe à l'université Rennes-2.

 

LIRE aussi notre article La visite "très tactique" de Nicolas Sarkozy à Moscou

 

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29/10/2015
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