Suisse-Regard

Suisse-Regard

Libéral et nationaliste ?

Le Temps.ch

 

Publié le 16-10-2015

Politique Suisse

 

Par Yves Petignat

 

Donnée gagnante des élections de ce dimanche, l'idée libérale pourrait bien être la prochaine victime de la montée, en Europe et en Suisse, du national-populisme

 

Ce qu’il y a de bien dans la chronique politique suisse, c’est que régulièrement on peut ressortir les éditoriaux de la décennie précédente tout en restant d’actualité. Parce que la Suisse n’a toujours pas répondu à la question posée en 2003 avec l’élection de Christoph Blocher au Conseil fédéral.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi depuis le début, rappelons qu’il s’agissait de savoir si le national-conservatisme était compatible avec l’idée d’une Suisse libérale. «La voix du centre droit est-elle négligeable parce qu’elle ne s’inscrit pas dans le grand courant protestataire qui nous fascine?», s’interrogeait un éditorial du Temps au lendemain des élections fédérales de 2003. Tout en prévenant que «le dilemme sera donc d’accepter, par réalisme ou par tactique, l’entrée de Christoph Blocher au Conseil fédéral, en restant ferme sur le respect de quelques valeurs, comme l’humanisme, la tolérance, l’ouverture». On a vu ce qu’il en est advenu.

La roue a tourné. L’UDC pèse désormais le double du Parti libéral-radical. Et même si les deux formations sont données gagnantes des élections de ce dimanche par tous les sondages, la question qui se posera dès lundi est désormais bien différente: le libéralisme est-il soluble dans l’air du temps?

Cet air du temps, c’est celui qui souffle sur toute l’Europe. De la Hongrie de Viktor Orban, qui voit dans les réfugiés syriens ou irakiens «une menace pour notre identité chrétienne», à la France de Marine Le Pen. Sans oublier l’Autriche et l’Allemagne d’Angela Merkel, aux prises avec une CSU bavaroise prête à suivre Viktor Orban.

UDC et libéraux-radicaux partagent certes bien des points communs: le choix d’un Etat réduit au strict nécessaire, l’opposition à tout nouvel impôt et à une augmentation des dépenses, notamment sociales, la responsabilité individuelle, la liberté d’entreprendre. Sur cette base, une probable majorité de droite au Conseil national pourrait donner un coup de volant pour faire maigrir l’Etat, repousser la révision de la prévoyance vieillesse, avec la hausse de l’AVS, adoptée par le Conseil des Etats. Ou encore refuser tout délai pour la sortie du nucléaire.

Les libéraux-radicaux résisteront-ils à la tentation d’aller plus loin, sur l’asile et l’immigration, la libre circulation, les relations avec l’UE? Se plieront-ils aux vœux du dauphin de Christoph Blocher, Roger Köppel, «de dépasser le fossé névrotique et d’amener PLR et UDC sur une ligne commune»? Car il ne faut pas attendre d’une UDC qui s’est radicalisée depuis l’éviction de Christoph Blocher du Conseil fédéral en 2007 qu’elle mette de l’eau dans son vin.

De fait jamais les deux partis de droite n’auront été aussi éloignés l’un de l’autre. Dans un quart des votes au Conseil national, durant la législature écoulée, l’UDC a voté de manière isolée. Là où les libéraux veulent un Etat qui fonctionne, organisateur de la vie sociale et garant de la liberté et de la sécurité, l’UDC oppose un Etat au service de l’idée de Nation organique, dont sont exclus tous ceux qui n’adhèrent pas à sa conception de l’identité et de la culture helvétiques.

Il est certain que, si aujourd’hui la social-démocratie européenne a déjà perdu la bataille dans ses espoirs de «dépasser le capitalisme» et d’exprimer la voix des laissés pour compte, la prochaine victime de la montée du national-populisme pourrait bien être l’idée libérale. Qui par essence suppose la reconnaissance de droits égaux et du libre choix pour chaque individu.

 



17/10/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres