Viktor Orban, notre meilleur ennemi
Le Temps.ch
Le 1-10-2015
Economie Suisse
Par Boris Mabillard
Editorial
Le président hongrois soulève l’opprobre, mais est un ennemi bien utile. Une cible opportune qui permet aux Européens de fermer les yeux sur leurs propres contradictions et de modérer en façade les positions les plus radicales
Face aux provocations de Viktor Orban, l’Europe se récrie comme de bien entendu. Elle a raison de défendre ses principes contre les attaques insidieuses du premier ministre hongrois, qui n’a de cesse de jouer avec les limites de ce qui est acceptable au sein de l’Union européenne. Quand il frôle l’irrémédiable, par exemple lorsqu’il propose de rétablir la peine de mort, et que les Européens donnent de la voix, pas grave, il fait marche arrière pour se tenir juste en retrait de la ligne rouge. Cependant, son projet avance pied à pied. Viktor Orban progresse à contresens. Malgré les remontrances européennes, malgré ses reculades, malgré l’opprobre général, lui et les idées qu’il défend font florès. En Hongrie et au-delà. Non seulement les critiques semblent inopérantes, mais en plus elles renforcent le dirigeant, qui se complaît dans une position de victime. Pire, en accablant le pouvoir à Budapest, les Européens ferment les yeux sur leurs propres contradictions. Quelle cible opportune! Viktor Orban est un ennemi bien utile, car en comparaison de son outrance, les positions les plus radicales paraissent modérées
.
En matière de migrants, et pour avoir laissé pourrir la situation dans les premiers pays d’accueil des réfugiés, la Turquie ou le Liban, l’Europe se trouve confrontée à une crise qui la dépasse. La Hongrie, qui a vu cette année plus de 140 000 migrants arriver, un chiffre important en pourcentage de sa population, s’est retrouvée incapable de faire face. Désigner le seul Viktor Orban à la vindicte, c’est ignorer les manquements italiens et grecs, la duplicité du gouvernement français qui érige ses propres clôtures autour de Calais, l’outrecuidance britannique et l’hypocrisie de la Suisse, qui se fait aussi discrète que possible. En plus de la Hongrie, trois pays ont voté contre la solidarité européenne, à savoir un système de quotas de répartition des réfugiés. Ils se tiennent dans l’ombre du tonitruant Orban, pour éviter les blâmes.
Aux quatre coins de l’Europe, les amalgames (par exemple, islam-migrant-terroriste) se répandent, pullulent même dans les discours de certains partis. Certes, la Hongrie de Viktor Orban a une bonne longueur d’avance dans la course vers l’autoritarisme. Mais veillons à ne pas fustiger la noirceur hongroise dans la seule intention de se réjouir d’avoir encore un peu de lumière.
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