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Crise des réfugiés. Nouvelles mesures de l'UE : l'émotion est-elle bonne conseillère ?

Courrierinternational.com

 

Le 4-09-2015

Politique Internationale

 

Par Courrier International

 

Pour répondre à l’avalanche de commentaires suscités par la photo du petit Syrien échoué sur une plage turque, les dirigeants européens tentent de nouveau de prendre des mesures. Il s’agit là d’une réaction à chaud plus que d’une réflexion concertée, constate la presse européenne.

“Merkel, Hollande et Juncker relancent l’idée de quotas obligatoires pour les réfugiés”, écrit El País après la déclaration commune de la chancelière allemande et du président français le 3 septembre. “François Hollande a estimé que les engagements pris jusqu’à présent ‘ne sont pas suffisants’, ajoutant que la diffusion des images de l’enfant syrien sur une plage turque constitue ‘un appel à la responsabilité’ de tous’.
 

Pour l’Europe, que vaut la mort d’un enfant migrant ?

 

Dans son éditorial, le quotidien espagnol estime que “l’Europe semble enfin faire les pas nécessaires pour changer de politique comme l’exige la crise des réfugiés. C’est un défi pour toute l’Europe, pas seulement pour les pays d’arrivée, ni pour l’Allemagne sur laquelle retombe la majorité des demandes d’asile”. Le journal rappelle que la Commission européenne a proposé la répartition  de 120 000 réfugiés entre les 28 membres de l’UE.
 
A Berlin, la presse se divise sur l’attitude à adopter. “Envoyez des trains spéciaux, maintenant !” clame Die Tageszeitung à l’adresse des autorités allemandes, face à la crise humanitaire que “Budapest ne peut ni ne veut maîtriser”. “Ce n’est plus le moment de discuter de questions abstraites de quotas, ce qu’il faut, c’est une aide humanitaire d’urgence.”
 

Chaos à Budapest face aux réfugiés en route vers l’Allemagne

 

Celle-ci passe par des trains qui viennent directement et sans arrêt de Hongrie en Allemagne, estime le quotidien de gauche. De l’autre côté de l’échiquier politique, Handesblatt reconnaît que “le Premier ministre Victor Orbán a raison de dire que son pays, situé sur la frontière extérieure de l’UE, se retrouve seul face au flux de réfugiés. Depuis le début de l’année, il en a accueilli deux fois plus que la France. Et ce n’est pourtant pas un paradis.” Pourtant, le quotidien économique conteste la version du chef du gouvernement hongrois, selon lequel les réfugiés seraient “un problème allemand”. “C’est un problème européen”, affirme Handesblatt.
 

Crise des réfugiés : “Le couple franco-allemand met la pression”

 

Aux Pays-Bas, De Telegraaf tempère l’idée des quotas par un constat simple : “Il est compréhensible que Mme Merkel, MM. Hollande et Juncker souhaitent répartir les réfugiés de façon plus équitable. Mais c’est un projet voué à l’échec : les réfugiés eux-mêmes ne sont pas du tout du même avis puisqu’ils ont déjà choisi leur destination”,  selon le quotidien amstellodamois.

 

Scepticisme et impatience

Malgré cette nouvelle prise de position officielle, la presse se montre sceptique face à une réaction politique suscitée par l’émotion. En Belgique, Le Soir ne cache pas son impatience :
“Si l’on veut bien croire à la sincérité de l’émotion exprimée, il faut relever la part d’hypocrisie chez ces dirigeants qui s’étaient déjà dits bouleversés il y a quelques mois, après la mort de 700 migrants d’un coup en pleine mer, mais qui refusent toujours, depuis, de voter les premières propositions Juncker visant à répartir 40 000 (!) réfugiés. Or c’est de l’Europe, et d’elle seulement, que peut venir une solution, n’en déplaise à ceux qui misent sur le chacun pour soi.”

Même écho dans la presse flamande. De Standaard estime qu’“il n’y a rien de mal à attendre des autorités – locales comme européennes – qu’elles prennent l’initiative. Les actions individuelles – comme les dons de vêtements et de matériel ménager – font sans doute chaud au cœur, mais elles manquent de coordination. Il n’est pas souhaitable que l’on se mette à accueillir des familles de réfugiés chez soi par amour du prochain. L’amateurisme empreint de bonne volonté conduit souvent à de douloureux échecs. […] Toute aide est bienvenue, mais les autorités doivent en prendre le commandement et les institutions expérimentées doivent jouer le rôle principal dans l’application.”
 

L’autre route de l’immigration


A Rome, le quotidien de droite Libero estime que l’hypocrisie n’est pas l’apanage exclusif des dirigeants européens. Le quotidien accuse la presse de gauche, avec un titre en gros caractères, d’être “hypocrite”. “Ils publient une image choc pour faire croire que ceux qui tuent les immigrés sont ceux qui s’opposent à un accueil sans règles. Mais ce sont eux qui ont la mort du petit sur la conscience : il fuyait l’Etat islamique et une guerre que la gauche a favorisée et refuse de résoudre.”

Le journal plaide pour des interventions armées et des mesures radicales contre l’immigration économique. Selon lui, “un peu de larmes et une belle phrase” ne coûtent pas grand-chose aux éditorialistes, mais rien ne changera. “Vous voulez me faire croire que l’Europe avait besoin de voir un enfant mort sur la plage pour se secouer ? […] Si c’était vrai, ce serait terrible. Inhumain. Je ne voudrais pas vivre dans une Europe qui ne s’émeut pas de la mort de centaines de migrants en Méditerranée, simplement parce qu’ils ne sont pas photogéniques. […] Quoi qu’il en soit, pas d’inquiétude : l’Europe ne se bougera pas plus que les autres fois”, assure l’éditorialiste. Il en veut pour preuve que “la seule action que l’on envisage à Bruxelles est une répartition automatique des réfugiés, et que les Etats qui s’y refuseront se verront imposer une amende. Pauvre enfant. Sa mort nous a tellement frappés que nous allons réagir de façon ferme et décisive. Avec des contraventions.”

Surtout que, comme le note The Guardian à Londres, l’Europe doit faire attention aux signaux qu’elle envoie, car si les Syriens représentent une grande partie des réfugiés, “il existe un large éventail d’Etats faillis, déchirés par la guerre et répressifs.”“Des dizaines de millions de personnes dans ces pays pourraient tout à fait se dire que leur avenir est en Europe. Par conséquent, des questions de sécurité, de légitimité et de stabilité se posent pour l’Union européenne. Mais les dirigeants européens n’ont pas vraiment commencé à nouer le dialogue sur ces questions, ni entre eux, ni avec leurs électorats”, regrette le quotidien britannique.

“L’Europe ne peut en toute conscience passer le message que ses portes ne sont ouvertes qu’aux personnes qui survivent à un voyage périlleux sans se noyer ou s’asphyxier dans un camion, fustige The Daily Telegraph. Si l’on décide donc d’encourager les Syriens à venir en Europe, alors il faudra mettre en place un programme officiel pour enregistrer les demandes d’asile là où vivent les réfugiés aujourd’hui, surtout en Turquie, en Jordanie et au Liban”, propose le journal conservateur.

 
La presse américaine fustige l’Europe

Outre-Atlantique, le regard est sévère. The Washington Post titre son éditorial : “L’échec abject de l’Europe face aux réfugiés”. Le quotidien américain souligne que les réfugiés ont été accueillis en Europe au mieux “avec de l’indifférence et du mépris, au pire par la froide hostilité des barbelés et du racisme”. Evoquant le sommet européen du 14 septembre qui sera consacré à la crise des migrants, le quotidien conclut : “D’ici là, les gouvernements européens vont devoir décider si l’Europe doit s’inspirer des principes humanitaires énoncés par la chancelière allemande Angela Merkel ou de l’horrible chauvinisme du Premier ministre hongrois Viktor Orbán.”

Quid des autres continents ? interpelle The Daily Telegraph. “La responsabilité des pays européens devrait-elle être plus importante que celle du Canada, de l’Australie, des Etats-Unis ou de n’importe quel autre pays ?” interroge le quotidien britannique avant de rappeler que le petit Aylan et sa famille tentaient de rejoindre le Canada.

 



04/09/2015
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