Suisse-Regard

Suisse-Regard

Pourquoi la France doit rembourser 250 millions d'euros aux frontaliers et aux expatriés

20minutes.fr

 

Le 6 octobre 2015

Economie Internationale

 

Par Céline Boff

 

Fiscalité Le gouvernement cherche à contourner une décision de la Cour de justice de l'Union européenne...

 

Comment sera financée la Sécurité sociale l’an prochain ? Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, et Christian Eckert, secrétaire d’Etat au Budget, présenteront leur projet de budget ce mercredi en conseil des ministres.

Et celui-ci comporte un changement a priori anodin, mais qui est en fait de taille… En tout cas pour les citoyens ayant leur résidence principale en France et travaillant à l’étranger. Autrement dit, pour les travailleurs frontaliers et certains expatriés.

 

Le tour de passe-passe du gouvernement

Comme ces personnes travaillent à l’étranger, elles ne sont pas (forcément) affiliées à la Sécurité sociale française et ne bénéficient donc pas des prestations de ce régime. Du coup, elles ne devraient pas avoir à le financer, ce qu’elles font en acquittant la CSG sur les revenus issus de leur patrimoine (revenus locatifs, plus-value en cas de vente, etc.) ou de leurs placements (dividendes, assurance-vie, etc.).

C’est en tout cas l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a tranché en ce sens en début d’année. Résultat : la France doit rembourser ces personnes et cesser de les prélever. « Ce qui représente un manque à gagner d’environ 2 milliards d’euros », assure Pascal Beau, directeur de l’Espace social européen.

Pas question pour le gouvernement de s’asseoir sur une telle somme. Ni d’accepter que sa volonté de taxer le capital comme le travail soit ainsi en partie remise en cause. Du coup, son idée est simple : au lieu d’affecter la CSG taxant le capital au financement de la Sécurité sociale, il la destinera désormais au financement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

« C’est malin, parce que ce fonds verse le minimum vieillesse et profite à tous les retraités « pauvres » vivant en France, même s’ils n’ont pas cotisé », analyse Jacques Bichot, économiste spécialiste de la protection sociale.

 

Les expatriés remboursés… S’ils travaillent en Europe

Cette évolution permettra surtout à l’État de ne pas perdre trop d’argent : « seulement » 250 millions d’euros par an, pendant trois ans. « Des sommes déjà provisionnées », assure Christian Eckert. Pour alléger la note et s’appuyant sur le fait qu’il s’agisse d’une décision européenne, la France envisage d’ailleurs de rembourser seulement les citoyens affiliés à une Sécurité sociale européenne. Autrement dit, les Français expatriés aux Etats-Unis ou en Chine par exemple ne seront pas remboursés.

Reste que 250 millions, c’est plus que l’économie attendue par le gouvernement l’an prochain avec sa réforme des APL (225 millions)… Et puis, que se passera-t-il pour les citoyens qui vivent et travaillent en France, mais qui ont décidé de se désaffilier de la Sécurité sociale française pour contracter l’assurance-maladie d’un autre pays ? « Rien, parce que malgré l’intox de courants tels que le Mouvement des libérés ou le Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS), les citoyens travaillant en France n’ont pas le choix : ils doivent être affiliés à la Sécurité sociale française », répond Pascal Beau.

Jacques Bichot approuve : « La pérennité de la Sécurité sociale relève de son caractère obligatoire. Aucun gouvernement de gauche, de droite, ni même Front national n’accepteraient une remise en cause de ce principe ».

 

La France agace l’Europe

Si le changement d’affectation de la CSG « capital » semble tactique à court terme, cette décision du gouvernement n’est pas stratégique à long terme, d’après les experts interrogés par 20 Minutes, car elle ne traite pas le problème de fond, à savoir : la CSG est-elle un impôt, comme le prétend la France, ou une cotisation sociale, comme le soutient l’Europe ?

« Si la France a été condamnée par l’Europe, c’est aussi parce qu’elle l’agace avec la complexité de sa fiscalité. Et là, le gouvernement rajoute une nouvelle couche de complexité… », se désole Pascal Beau. Le tour de passe-passe de l’exécutif convaincra-t-il Bruxelles ? La Commission européenne doit analyser la proposition de la France sur la CSG dans les prochains mois. Si elle ne l'estime pas fondée, elle saisira la CJUE.

 



07/10/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 3 autres membres