Suisse-Regard

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Propreté : Paris durcit le ton

LeParisen.fr

 

01 Septembre 2015

Environnement

 

Benoît Hasse et Joffrey Vovos

 

Crottes de chien, papiers gras, épanchements d’urine sur la voie publique… La capitale française est souvent critiquée, aussi bien par les touristes que par ses habitants, pour son manque de propreté.

Après avoir multiplié les campagnes d’affichage invitant les Parisiens à respecter leur ville (« Nous pouvons faire le maximum, mais pas l’impossible », « Les agents de la propreté nettoient derrière vous, évitons de salir derrière eux », peut-on notamment lire sur la dernière en date), la capitale hausse le ton et s’apprête à taper là où ça fait mal : le portefeuille.

 

Un blason à redorer

Plus de 25 461 procès-verbaux ont déjà été dressés l’an dernier par la centaine d’inspecteurs de salubrité de la Ville, chargés de la lutte contre les incivilités. Cependant, à partir du 1er octobre, comme l’y autorise un décret publié en mars, les amendes pour jets de détritus sur la voie publique, y compris les mégots et les chewing-gums, vont passer de 35 à 68 €.

Depuis ce mardi et pendant encore un mois, ce sont de faux PV qui seront distribués, en guise de dernier avertissement. Une brigade anti-incivilités est par ailleurs en cours de formation pour multiplier les contrôles. Suffisant pour changer les mauvaises habitudes et redorer l’image de la Ville Lumière ?
Dans un classement établi en 2012 par le site TripAdvisor, Paris arrivait en 24e position sur les quarante principales villes touristiques mondiales. Lors des dernières municipales, Nathalie Kosciusko-Morizet, le chef de file de la droite parisienne, avait d’ailleurs brandi ce palmarès pour affirmer : « Un constat s’impose aujourd’hui : Paris est sale. »

Des moyens colossaux sont pourtant déployés. Plus de 5 600 agents sont affectés au nettoiement et à la collecte des déchets, et près de 30 000 poubelles de rue avec éteignoir pour cigarettes viennent d’être déployées : soit une tous les 100 m ! Cette année, la première commune française consacrera encore près d’un demi-milliard d’euros à la propreté ! « Paris n’est pas une ville sale, mais une ville salie », corrige Mao Péninou, l’adjoint (PS) à l’urbanisme.

 

«Tout le monde jette ses mégots»

« On vous a vu jeter votre mégot par terre. Vous savez que c’est interdit ? Je vous remets un faux PV. Mais dans un mois, ce sera un vrai. A 68 €! » Le jeune vendeur qui vient de se faire rappeler à l’ordre prend le fac-similé de l’amende avec incrédulité… mais assure qu’il fera attention pour ses prochaines cigarettes. Nous sommes rue de Provence, derrière le boulevard Haussmann (Paris IXe), là où, près des entrées de service des multiples grands magasins, des employés prennent leur pause clope en groupe. Fabrice et Eric, deux des cent inspecteurs du service municipal de la propreté ont choisi de faire leur tournée là, hier, pour avertir le public de la nouvelle sanction pour jet de mégot, applicable dès le 1er octobre.

 

Patrouille en civil

Les grands magasins se sont tous dotés de cendriers extérieurs. Mais les salariés qui se trouvent à plus de 10 m ne les utilisent pas et jettent leurs mégots dans le caniveau. Carte professionnelle, brassard et carnet à souches dans la poche, les deux inspecteurs en civil n’ont que l’embarras du choix pour trouver des fumeurs en infraction. « Pour l’instant, on est accueilli avec le sourire. Mais quand on distribuera des vrais PV, ça va changer », anticipe l’un d’eux.

« Payer 70 € pour un mégot, c’est rageant », réagit Camille, qui vient d’écraser sa cigarette au sol, alors que la terrasse de café où elle est attablée est dotée de cendriers. « Mais je trouve cela très bien. Les mégots partout, c’est dégueu », poursuit la jeune femme en expliquant avoir acheté un cendrier de poche cet été pour aller à la plage. Alors pourquoi ne pas avoir eu le même souci à Paris ? « Ici, tout le monde jette ses mégots par terre. Alors on a tendance à se dire que c’est moins gênantqu’ailleurs. C’est stupide. Je ne le ferai plus. Promis… »

  

Des motocrottes aux peintures anti-urines

Depuis près de quarante ans, les maires de Paris rivalisent d’imagination pour renforcer la propreté. C’est à Jacques Chirac, à la tête de la Ville de 1977 à 1995, que l’on doit l’un des engins qui a le plus marqué les esprits : la motocrotte (photo ci-contre). Jugée trop chère et peu efficace, les 140 « chiraclettes » ont été mises au rebut en 2004 par son successeur Bertrand Delanoë.

Toujours sous l’ère Chirac, entre 1981 et 1986, 400 sanisettes JCDecaux ont été installées (photo ci-dessous) en remplacement des vespasiennes. Bertrand Delanoë les rendra gratuites en 2006. Trois ans plus tard, elles seront remplacées par de nouveaux modèles : 272 sont ouvertes jusqu’à 22 heures, 108 jusqu’à 1 heure et 20en continu. Depuis 2013, des urinoirs mobiles sont également déployés dans certains quartiers fréquentés par les fêtards, notamment le long du canal Saint-Martin (Xe).

En 2013, toujours, Paris a lancé DansMaVille, une application qui permet de signaler graffitis, dépôts sauvages…

Dernier outil en projet, plusieurs arrondissements envisagent d’utiliser des peintures hydrophobes qui renvoient les jets d’urine sur les chaussures des indélicats. Un dispositif testé avec succès à Hambourg (Allemagne).

 

Des Japonais se retroussent les manches

Ils font partie de ceux qui trouvent Paris sale… et ont décidé d’agir pour remédier au problème. L’initiative citoyenne lancée par l’association Green Bird est l’une des plus anciennes et des plus atypiques de la capitale. Depuis plus de huit ans, des expatriés japonais se réunissent une fois par mois pour nettoyer les lieux touristiques de la ville.

« Au Japon, les habitants sont éduqués à la propreté à l’école et nettoient autour de leur habitation », explique Yoshiko, une quadragénaire installée dans le XVIe arrondissement. Autant dire que l’état des rues de la capitale à son arrivée en 2004 l’a marquée. Certains de ses compatriotes sont même atteints du « syndrome de Paris », un malaise qui s’empare très fréquemment des touristes de l’archipel. En cause : le décalage entre l’idée qu’ils se font de Paris et la réalité.

Sur la question de la propreté, Yoshiko prend la défense de la mairie et blâme plutôt les habitants et les touristes. « Ils ont des progrès à faire », estime la Japonaise. Sa compatriote Maïko, qui a participé il y a dix jours à la dernière session de nettoyage dans le XVe, prend moins de gants. « Nous n’avons pas la même mentalité, assure cette habitante du XIe. Même s’il y a une poubelle à proximité, les Parisiens jettent leurs déchets par terre. »

Les membres de l’association Green Bird sont loin d’être les seuls à se retrousser les manches. Alex Tessereau, DJ de 28 ans, est le fondateur des Fêtards écoresponsables du canal Saint-Martin (Xe), lieu très prisé aux beaux jours. « Beaucoup de gens se comportent bien autour du canal, mais il y en a aussi qui font n’importe quoi après avoir trop bu, constate-t-il. Quand j’ai vu cet été qu’on ne parlait que des déchets et des plaintes des riverains, j’ai eu peur qu’on interdise de se réunir le soir à cet endroit. »

Avec des volontaires, Alex organise donc régulièrement des après-midi de nettoyage ou des « soirées prévention » au cours desquelles des sacs-poubelles sont distribués aux noctambules assis sur les quais. « La mairie doit aussi faire des efforts pour qu’il y ait plus d’infrastructures adéquates, notamment des cendriers », poursuit-il.

Alexandre Arlot

 

A peine la rame de métro immobilisée au terminus de la ligne 1 que Mohammed s’y engouffre. Il en ressort très vite exhibant une grosse poignée de journaux. « Encore des gratuits, soupire sa collègue, Nawel. C’est ça qui nous plombe. »

Chaque jour de l’année, ils sont un millier d’agents à assurer le nettoyage du réseau RATP (1 000 trains, 366 gares et stations fréquentés quotidiennement par 7 millions de personnes). Une quête de la propreté maximale érigée en priorité fin 2013 lors du renouvellement des marchés auprès de cinq prestataires.

« Depuis, on y consacre 70 M€ par an et on a accru nos exigences de qualité et nos contrôles aléatoires par des enquêteurs mystères », souligne Jean-Christophe Archambaud, le Monsieur Propreté des réseaux ferrés de la RATP.

En plus du nettoyage quotidien, des décrassages réguliers et des opérations coups de propre (maintenance et lessivage en profondeur) sont menés. La nouveauté, c’est la présence d’agents de propreté en journée, parmi les usagers, pour gagner en efficacité et en réactivité.

« On leur demande d’accentuer le nettoyage sur les surfaces de contact : les barres de maintien, les guichets de vente. Les voyageurs sont très sensibles à la propreté de ce qu’ils touchent. » Sur le quai, Mohammed et ses collègues poursuivent leur contre-la-montre : vingt minutes pour nettoyer la rame avant que celle-ci ne reparte. Onze défileront ainsi en trois heures trente.

« Il faut passer le balai humide sur le sol mais aussi ramasser les bouteilles et les emballages de McDo, laver les vitres, décoller les chewing-gums, effacer les graffitis… » énumère l’agent de propreté. Un travail efficace de l’avis des voyageurs. « Il faut reconnaître que, vu sa fréquentation, la ligne 1 est plutôt propre, salue Myriam, une Vincennoise de 67 ans. Mais je prends aussi la 13 où ça laisse à désirer. »

En 2013, 8O % des usagers de la RATP se disaient satisfaits de la propreté des gares mais seulement 60 % de l’hygiène des trains. « Pour que les gens soient plus civiques, il faut verbaliser, juge Nawel. Il n’y a que ça qui marche. »

 

 



02/09/2015
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