Suisse-Regard

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Alourdissement fiscal de l’immobilier français détenu par des Suisses

Le Temps.ch

 

Le 19-10-2015

Fiscalité

 

Par Pierre Vallier, HES Berne, Gestion

 

Le phénomène de durcissement fiscal a été d’abord limité aux résidents fiscaux français. Il s’est ensuite propagé aux non résidents, suisses inclus

 

La fiscalité de l’immobilier française a connu ces dernières années un alourdissement considérable (imposition des plus-values, prélèvements sociaux, succession…). Ce phénomène d’abord limité aux résidents fiscaux français s’est ensuite propagé aux non-résidents, suisses inclus. Dès lors, le traitement fiscal appliqué aux biens immobiliers nécessite la bonne compréhension des règles domestiques (française et suisse) mais aussi internationales (convention de double imposition C.D.I., droit européen…). Cela concerne potentiellement pas moins de 200 000 citoyens français résidants en Suisse et autant de citoyens suisses en France. Alors où en sommes-nous?

 

La bonne nouvelle (mais qui reste à confirmer) de ce début d’année: En termes de gestion du bien immobilier par une personne physique, la convention de double imposition attribue au pays de situation du bien (ici la France), le droit d’imposer les revenus générés par cet immeuble. Ainsi ces revenus se voient frappés par deux sources d’imposition.

 

Concernant loyers reçus, le droit fiscal français s’applique, lourdement, car il n’autorise pas sauf exception (jurisprudence Schumacker) la moindre déduction de charges relatives à ce bien. Concernant les gains en capital, la taxation des plus-values immobilières d’abord exonérées en vertu du droit interne, a progressivement été alourdie (2012). C’est l’art.244 du CGI qui régit les règles et les taux d’imposition qui s’établissent entre 19% et 75% (en fonction du degré de collaboration entre la France et le pays de résidence du vendeur). Pour la Suisse, le taux appliqué était de 33,33%, puis opportunément ramené à 19% (comparable aux pays de l’UE) par une communication du B.O.F.I.P. (2014).

 

Par ailleurs, ces plus-values immobilières ainsi que les loyers servent de base aux prélèvements sociaux (C.S.G. et R.D.S.) à un taux de 15,5%. Or, un arrêt récent de la Cour de Justice des Communautés Européennes pourrait modifier cette situation de fait. En effet, la cour avait été saisie pour trancher la question de savoir si une personne pouvait être soumise à une imposition dont le but exclusif est un financement de système sociaux alors que cette même personne participe déjà au financement d’un autre régime social reconnu et que de plus il ne bénéficie pas du système social que cette imposition est supposée financée. Ainsi, la cour a statué que cette imposition n’était pas compatible avec les règles européennes en matière sociale. En conséquence, les non-résidents européens propriétaires d’immeubles en France ne devraient plus être soumis à ces prélèvements sociaux. Cette décision était attendue depuis que cette même cour avait tranché dans le même sens sur le fait que des revenus du travail pourraient être ponctionnés deux fois pour financer deux systèmes sociaux. En fait, la décision rendue par la cour semble cohérente par rapport à ce premier arrêt, elle ne fait qu’élargir son raisonnement aux revenus du patrimoine. Pour le propriétaire suisse, cela semble indiqué qu’il bénéficiera prochainement d’un traitement allégé, mais il faut toutefois rester prudent car la décision rendue ne donnera ses effets qu’après confirmation. Une fois confirmée, les effets porteront pour le futur et seront aussi rétroactifs et donc ouvrir la voie au remboursement des sommes antérieurement payées.

 

Et une moins bonne mais celle-ci bien établie: En effet depuis le 1 janvier 2015, plus aucune C.D.I. sur les successions et les donations n’est appliquée entre la Suisse et la France. Conséquemment, ce sont les droits nationaux respectifs qui s’appliquent et font donc courir un risque de double imposition aux héritiers et donataires. En Suisse, la fiscalité des successions en ligne directe étant encore peu développée, on ne traitera pas ici ce sujet. Concentrons-nous sur le droit fiscal français des successions.

 

En quoi cela concerne-t-il les héritiers résidants suisses? En tout serais-je tenté de répondre. Les règles fiscales françaises disposent que sont redevables de l’impôt les personnes héritières résidantes françaises sur la totalité de la succession. Toutefois et ce sera le cas que nous retiendrons, si le défunt suisse non résidant a pour héritier un non résident suisse, ce bien immobilier sera imposable en France aux conditions françaises (taux progressif) et après un abattement de 100 000 euros en ligne directe. Rappelons que sans lien de parenté le taux d’imposition est de l’ordre de 60% sans réels abattements. On voit rapidement ce qui pourrait arriver si l’héritier est en fait résidant français, l’imposition porterait alors sur les biens en France ainsi que sur le reste du patrimoine reçu et ceci dans les mêmes conditions que décrites précédemment. On comprend aisément combien ce serait pénalisant. Cependant, des solutions existent pour atténuer cet impact fiscal mais ce qui nécessitent une grande anticipation.

 



20/10/2015
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