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Attentats - État d'urgence : ce que prévoit la nouvelle loi

Le Point.fr

 

Le 19/11/2015

Politique Internationale

 

Par Le Point.fr (avec AFP)

 

Avant une révision de la Constitution qui doit intervenir dans les trois mois, l'Assemblée a adopté la prorogation de l'état d'urgence.

 

L'Assemblée nationale a adopté jeudi à la quasi-unanimité, par 551 voix contre 6, le projet de loi prolongeant pour trois mois l'état d'urgence post-attentats et renforçant ce régime d'exception.  Tous les groupes politiques ont soutenu le texte porteur d'un « équilibre efficace et juste », selon Pascal Popelin (PS), et de « réponses urgentes et immédiates », d'après Éric Ciotti (Les Républicains). Le député socialiste Pouria Amirshahi et trois députés écologistes, Noël Mamère, Isabelle Attard et Sergio Coronado, avaient annoncé qu'ils se prononceraient contre un texte faisant peser un « risque pour les libertés fondatrices ». Les élus PS Gérard Sebaoun et Barbara Romagnan ont également voté contre. Fanélie Carrey-Conte (PS) s'est pour sa part abstenue.

« L'ensemble des forces politiques de ce pays ont fait la démonstration de leur capacité d'union et c'est aussi un geste très fort », a déclaré Manuel Valls à la presse en quittant l'Assemblée après le vote. « La France à travers le Parlement, avec le gouvernement, avec le président de la République, envoie un message très clair aux terroristes : nous sommes debout, nous vous combattons dans cette guerre et nous vous anéantirons », a-t-il poursuivi.

 

« Des outils modernisés et efficaces, adaptés à la menace terroriste »

« C'est dans ces moments-là que les Français sont grands, sont capables de se hisser au plus haut niveau d'exigence », a encore salué Manuel Valls. Il s'est félicité de « l'union sacrée, que nous venons de démontrer » dans « un débat de très grande qualité », rappelant que le gouvernement avait été « à l'écoute », en soutenant plusieurs amendements, dont certains de l'opposition. « J'espère un vote conforme demain (vendredi) du Sénat (...) et ainsi l'état d'urgence sera prolongé pour trois mois avec des outils modernisés et efficaces, adaptés à la menace terroriste », a-t-il dit.

Alors qu'une journaliste évoquait d'autre part les interrogations suscitées par la présence en France du djihadiste belge Abdelhamid Abaaoud, tué lors de l'assaut de Saint-Denis, Manuel Valls a concédé que « toutes les interrogations sont bien sûr légitimes ». Mais, a-t-il ajouté aussitôt, « ma fonction aujourd'hui, c'est de soutenir l'action des services de renseignements, de la police, de la gendarmerie, de nos militaires qui combattent le terrorisme ».

Comme l'a annoncé le président François Hollande lundi, le projet de loi, qui a été soumis au vote jeudi à l'Assemblée nationale et le sera vendredi au Sénat en vue d'une adoption définitive, prévoit la prolongation, pour trois mois à compter du 26 novembre (soit jusqu'à fin février), de l'état d'urgence. « L'état d'urgence, c'est vrai, justifie certaines restrictions temporaires aux libertés. Mais y recourir, c'est nous donner tous les moyens de rétablir ces libertés pleinement », a plaidé le chef de l'État, défendant un texte qui « clarifiera » et « précisera » cette procédure « exceptionnelle » datant d'une loi de 1955. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a insisté en commission sur « les résultats importants » permis par l'état d'urgence actuel depuis dimanche : 63 interpellations, 413 perquisitions, 72 armes saisies, 118 assignations à résidence.

 

Assignation à résidence élargie

Première mesure principale : le régime des assignations à résidence de personnes dangereuses est élargi à toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Il n'est pas exclu que soit ajouté jeudi le port d'un bracelet électronique ou allongée la durée de l'assignation au domicile, changements souhaités par Les Républicains. Jusqu'à présent, la loi prévoyait, pendant l'état d'urgence, la possibilité d'assigner à résidence une personne « dont l'activité s'avère dangereuse » pour l'ordre public.

Le texte intègre dans l'état d'urgence la dissolution de groupes et associations extrémistes participant à des actes portant une atteinte grave à l'ordre public, les facilitant ou y incitant. François Hollande a promis d'agir vite, alors que se multiplient les appels à fermer mosquées et lieux de prière radicalisés, ainsi qu'à expulser les imams étrangers extrémistes. Le Parlement sera informé sans délai des mesures prises par le gouvernement pendant l'état d'urgence, précise un amendement voté à l'initiative du rapporteur, Jean-Jacques Urvoas (PS).

S'il durcit globalement l'état d'urgence, le texte introduit aussi quelques garde-fous. Aucune perquisition ne pourra viser les locaux « affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire » ou les bureaux des avocats, magistrats et journalistes. Le procureur de la République devra être informé de toute perquisition. La découverte d'une infraction lors de la perquisition administrative donnera lieu à l'ouverture immédiate d'une procédure judiciaire. Et un juge, et non plus une commission administrative, pourra être saisi par une personne contestant son placement en résidence surveillée.

Le projet de loi supprime la possibilité de mesures pour contrôler la presse et les publications de toute nature, ainsi que les émissions radiophoniques, les projections cinématographiques et les représentations théâtrales. Ce choix a provoqué un long débat en commission à l'Assemblée. Au motif notamment que « la pulsion du direct » peut conduire à diffuser des informations néfastes pour les Français et forces de l'ordre, certains députés PS auraient souhaité rétablir cette possibilité, des PRG et LR désirant permettre un contrôle de médias. Mais d'autres socialistes et les écologistes refusaient le maintien d'un tel outil de « censure ». L'amendement PS a été retiré, les autres rejetés.

 

Vers un « régime civil d'état de crise »

Ce texte préparé en moins de 72 heures se veut la première étape de la réponse pénale de l'exécutif, avant une révision de la Constitution pour y inscrire un « régime civil d'état de crise » qui « modernise » l'état d'urgence. Cette révision est aussi nécessaire, selon Matignon, pour permettre deux mesures qui risqueraient sinon d'être censurées : la déchéance de nationalité de binationaux nés Français et la mise en place d'un système de « visas de retour » pour les djihadistes français revenant de Syrie ou d'Irak.

Le gouvernement veut que cette réforme constitutionnelle soit finalisée avant le terme prévu de l'état d'urgence fin février. Une telle révision passe par un vote favorable à la majorité des trois cinquièmes du Congrès, nécessitant l'appui d'au moins une partie de l'opposition. « C'est à la fois possible juridiquement et politiquement », assure un ministre. Suivra de toute façon un important travail législatif pour toutes les mesures dans la Constitution, prévient-on au gouvernement.

 



19/11/2015
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