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Didier Burkhalter: «Pour résoudre le conflit syrien, la Russie est incontournable»

Le Temps.ch

 

Le 2-10-2015

Politique internationale

 

Par Stéphane Bussard

 

Le conseiller fédéral en charge du Département fédéral des affaires étrangères achève une mission de quatre jours à l’ONU à New York. Il tire le bilan de ce marathon diplomatique

 

Le Temps: Quel bilan tirez-vous du marathon diplomatique de quatre jours à New York à l’occasion de la 70e Assemblée générale des Nations unies ?

– Didier Burkhalter: J’ai tenu entre douze et quinze discours sur les problèmes du conflit en Syrie et de ses conséquences en termes de migration, sur les réformes que l’ONU a besoin de mener notamment pour améliorer le fonctionnement du Conseil de sécurité. J’ai pu expliquer les positions suisses sous différents angles et dans plusieurs forums. Il faut parfois répéter plusieurs fois la même chose pour être entendu. Ce fut un vrai plus de pouvoir participer au sommet du G7 ainsi qu’à la séance du Conseil de sécurité présidée par la Russie sur le terrorisme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

 

– La Syrie a été au cœur des débats à New York. Qu’en retirez-vous ?

– J’ai pu rencontrer beaucoup d’acteurs en lien avec le conflit. J’ai pu exposer la position suisse au ministre russe Sergueï Lavrov et parler à son homologue américain John Kerry. J’ai pu faire passer le message de la Suisse quant à la réponse politique et humanitaire qu’elle juge nécessaire. Il est vrai que les événements se sont accélérés (avec les frappes russes). Cette action militaire n’était pas attendue et aurait été beaucoup plus difficile à gérer si les acteurs n’avaient pas pu se parler directement. Nous souhaitions qu’il y ait un dialogue et des contacts. Ce fut le cas, mais la situation reste très fragile. A New York, les choses ont changé rapidement. On était tous unanimes pour adopter les Objectifs de développement durable pour 2030. Mais on a vite été rattrapé par le court terme avec la Syrie.

 

– Vous plaidez pour la création d’un groupe de contact international.

– Même si la situation et les acteurs sont différents, il y a une analogie à faire avec ce que prévoient les accords de Minsk au sujet de l’Ukraine. Pour espérer résoudre le conflit syrien, il faut réunir les acteurs qui ont une influence sur le pays. Cela comprend les puissances de la région et bien sûr la Russie qui est incontournable. Il faut créer des groupes qui se penchent chacun sur un problème réel. J’ai exposé cette position suisse aux Russes, aux Iraniens et aux Américains dans le cadre du G7.

 

– Au sujet de la migration, quel message avez-vous voulu faire passer?

– J’ai expliqué la situation de la Suisse qui est un pays à forte immigration et à forte intégration. Tout n’est pas parfait, mais le système marche plutôt bien grâce à un système d’encadrement plutôt efficace. J’ai aussi voulu montrer que la Suisse n’était pas insensible aux sorts des autres, qu’elle est prête à assumer sa part de responsabilité dans le cadre d’un effort de solidarité continentale. J’ai pu rencontrer le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg Jean Asselborn pour aborder nos relations avec l’Union européenne. Cela s’est plutôt bien passé. Les Européens comprennent la position de la Suisse sur la migration et sur les conditions qu’elle pose pour apporter son soutien. Nous demandons une amélioration du système de Dublin doté d’un mécanisme permanent. Nous demandons que l’UE ait un système d’immigration digne de ce nom qui ne soit pas lacunaire et incohérent.

 

– A New York, vous avez martelé à nouveau le souhait de la Suisse et du CICR de créer un forum pour renforcer le droit international humanitaire.

– Nous le faisons depuis quatre ans. 140 pays soutiennent désormais notre idée de forum. Certains Etats ont toujours des réserves. C’est le cas des Russes. J’ai eu l’occasion d’en parler avec mon homologue russe Sergueï Lavrov. Je lui ai précisé que le forum n’a pas pour vocation de créer des problèmes à un pays en particulier. Il vise au contraire à pousser la communauté internationale à pousser au respect du droit humanitaire. Nous sommes raisonnablement optimistes quant à la possibilité de faire passer une telle résolution par consensus lors de la Conférence de décembre de la Croix rouge et du Croissant rouge à Genève. Mais le consensus n’est pas encore acquis. Nous poursuivons nos efforts diplomatiques.

 

– Vous avez participé à un événement sur la peine de mort. Aux Etats-Unis, une femme vient d’être exécutée en Géorgie. Un retour en arrière?

– C’est un sujet qui m’est cher et qui est une priorité de la politique étrangère suisse. Le tableau est très contrasté. D’un côté, une partie des Etats-Unis devient abolitionniste. De l’autre, on assiste à un retour en grâce de la peine capitale. On avance et on recule. L’état actuel du monde n’y est pas étranger. Il y a beaucoup de violence, des actes terroristes qui génèrent une peur générale. Celle-ci se répercute automatiquement sur la pratique de la peine de mort. C’est vrai que depuis que je suis au Département des affaires étrangères, la situation s’est dégradée. Mais on en parle aussi plus. Lors de l’événement organisé en marge de l’Assemblée générale sur la peine de mort, j’ai vécu l’un des moments les plus forts ici à l’ONU. Le témoignage d’un père dont la fille a été violentée puis affreusement tuée a été très émouvant. Un père qui était favorable à la peine capitale et qui, au fil du temps, s’est rendu compte qu’elle ne servait à rien.

 



02/10/2015
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