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La droite portugaise gagne les élections mais perd sa majorité absolue

Le Monde.fr

 

Le 05.10.2015

Politique Internationale

 

Par Jean-Baptiste Chastand (Lisbonne, envoyé spécial)

 

Après quatre ans de gouvernement relativement stable, la situation politique s’annonce nettement plus compliquée au Portugal. A l’issue des élections législatives organisées dimanche 4 octobre, aucun des quatre principaux candidats n’a en effet vraiment voulu reconnaître sa défaite, cherchant à se laisser la possibilité de participer au futur gouvernement. De quoi fragiliser ce pays qui sort à peine de la crise après la sévère cure d’austérité décidée en 2011 en échange d’un plan d’aide de 78 milliards d’euros de l’Union européenne et du FMI.

Pedro Passos Coelho, le premier ministre sortant de centre droit, qui avait fait voter toutes ces mesures, espérait bien bénéficier du retour timide de la croissance pour rester en place. S’il est arrivé en tête avec une coalition regroupant son parti – le PSD – et les chrétiens-démocrates du CDS, il est toutefois loin de la majorité absolue obtenue lors des législatives de 2011. Selon des résultats quasi définitifs, les deux partis obtiennent 38,6 % des voix, contre 50,4 % en 2011. Avec 104 députés élus, ils sont bien loin des 116 requis pour gouverner seuls.

 

Lire aussi : Au Portugal, des élections sous le signe de la crise

 

« L’alliance de droite a gagné ce soir », a toutefois proclamé M. Passos Coelho devant les caméras, affichant sa volonté de former un gouvernement, même s’il a reconnu que « la majorité claire » qu’il avait espérée « n’y était pas ». S’il veut rester en place, M. Passos Coelho devra s’entendre pour que le Parti socialiste (PS) ne lui barre pas la route. Celui-ci est arrivé second dimanche, avec 32,4 % des voix et 85 sièges. Mais un élément perturbe la stratégie du premier ministre sortant : les forces de gauche sont majoritaires dans le nouveau parlement.

 

Percée historique du « Bloc de gauche »

 

                       

 

Arrivé troisième, le « Bloc de gauche », un parti anti-austérité apparenté à Syriza, a en effet réalisé une percée historique avec 10,2 % des voix (contre 5,2 % en 2011). Derrière, les écologistes communistes obtiennent 8,3 % des suffrages, en hausse par rapport à 2011. A eux trois, les partis de gauche obtiennent donc au moins 121 sièges et 50,9 % des voix. De quoi renverser un gouvernement de droite minoritaire. Mais surtout potentiellement former une majorité alternative.

Interrogé dimanche soir, le leader du PS Antonio Costa s’est bien gardé de donner sa préférence entre soutenir la droite et s’allier avec l’extrême gauche. « Le PS va se réunir mardi et évaluer les résultats électoraux. La majorité des Portugais a voté pour un changement de politique, mais ce n’est pas encore une majorité de gouvernement », a-t-il seulement expliqué. Il a promis que « le PS ne fera pas obstacle », ni ne constituera « de majorité négative », tout en disant que « le bloc de droite a perdu sa majorité » et « qu’il ne peut pas continuer à gouverner comme si rien ne s’était passé ».

Une position volontairement ambiguë qui lui permet de rester au centre du jeu. Malgré des appels à la démission de certains cadres du parti, M. Costa a d’ailleurs refusé de la présenter. Il a juste admis que « le PS n’avait pas rempli ses objectifs électoraux ». Parti leader dans les sondages, l’ancien maire de Lisbonne a pourtant connu une campagne difficile. En hésitant entre faire campagne au centre et la faire à gauche, il a perdu des voix des deux côtés. Peu avant le scrutin, il a déclaré qu’il ne voterait pas un budget de droite, ce qui l’empêche de soutenir désormais un gouvernement minoritaire de M. Passos Coelho.

 

« Les élections ont laissé le pays dans une impasse »

Mais gouverner en alliance avec les deux partis d’extrême gauche serait, de l’autre côté, un véritable bouleversement politique. Jusqu’ici, les clivages étaient trop forts entre les convictions pro-euro des socialistes qui soutiennent globalement la réduction des déficits publics, et une extrême gauche nettement plus sceptique sur la monnaie unique. « Le PS a été le punching-ball des communistes pendant la campagne. Ils nous ont attaqués plus que la droite », n’oublie pas Antonio Serzedelo, un retraité venu soutenir Antonio Costa. Pour autant, « il faut négocier avec eux et avec le Bloc de gauche. Ils sont comme Syriza. Il faut juste qu’ils ne demandent pas la sortie de l’OTAN et de l’euro », assume-t-il, à l’unisson de nombre de militants socialistes présents dans la salle, dimanche soir. Les dirigeants du parti sont, eux, nettement plus sceptiques. « Je ne vois pas comment ce serait possible de gouverner avec eux », lâche un membre de l’équipe d’Antonio Costa.

 

Lire aussi : Blasés, les Portugais se prononcent sur l’austérité

 

Sentant le danger venir, la coalition de droite a insisté de son côté pour mettre en avant l’autre majorité qui est sortie des urnes dimanche, celle pro-euro. « La grande partie du Parlement est composée de partis qui ne rejettent pas les plans internationaux, les partis de la gauche de la gauche ne sont pas dans la situation de la Grèce ou de l’Espagne. On ne peut pas transformer une défaite dans les urnes en une sorte de victoire », a expliqué Paulo Portas, le leader du CDS. « Les Portugais ont élu à 70 % un Parlement qui est prêt à respecter les règles européennes », a insisté Pedro Passos Coelho. Et de se dire prêt à faire des « compromis » avec le Parti socialiste.

La Constitution portugaise est très floue sur les possibilités qu’a désormais le président de la République, Anibal Cavaco Silva (PSD). Le texte précise seulement qu’il doit « prendre en compte les résultats électoraux ». Et quoi qu’il arrive, les Portugais ne pourront pas être rappelés aux urnes avant juin 2016, la Constitution interdisant la dissolution du Parlement dans les six mois précédant ou suivant l’élection présidentielle, qui est prévue en janvier. « Les élections de dimanche ont laissé le pays dans une impasse », notait dans son éditorial le quotidien Publico, lundi matin. Et personne ne sait si le Portugal, encore convalescent, peut se permettre que cela dure trop longtemps.



05/10/2015
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