Suisse-Regard

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Que se passe-t-il en France?

Nouveau Mouvement Européen Suisse (Nomes)

 

Le 7-09-2015

Polémique

 

Par Gilbert Casasus

 

Blog

 

Texte de Gilbert Casasus, professeur en Etudes européennes à l’Université de Fribourg.

 

Cri du cœur ou cri de l’effroi? Expression impulsive ou raisonnement fondé? Envie de dire tout haut, ce que d’autres pensent tout bas ou analyse critique d’une situation critique? Depuis quelques temps, on peut avoir mal à la France. Non parce que l’on ne l’aime pas, mais parce qu’on la désire. Elle, que l’historien Jules Michelet voyait d’abord comme une personne, femme de préférence, fait parfois mal à voir. Elle oublie d’être elle-même, car ne elle regarde même plus le fronton de ses mairies et ne lit qu’à peine les mots de « liberté, égalité, fraternité ».

Après les attentats islamistes, la France a fait honneur à son être le 11 janvier dernier. Elle a dit « non » à l’horreur et renoué avec son honneur. Aujourd’hui, elle se déshonore, refusant d’être horrifiée par ce qui ne peut que susciter la honte et le dégoût. Qu’elle se réveille donc, qu’elle soit ce qu’elle est et a toujours été, ce pour quoi on l’envie, pour ce qu’elle est devenue, ce qu’elle est et ce qu’elle ne devrait jamais cesser d’être : la patrie des droits de l’homme. Que tous les pourfendeurs des « droits-de-l’hommiste » soient mis au pilori de la grandeur nationale, eux qui ne sont plus que la portion congrue d’une crise de boulangisme mal digérée ou de croix de feu en voie d’extinction. Qu’ils se vautrent dans le refus de l’autre ou dans le mépris de son prochain, rien ne saurait justifier la valeur de leur conduite. Qu’ils sachent ici et maintenant que leur conduite n’a plus la moindre des valeurs. Qu’ils arrêtent donc de se qualifier eux-mêmes de républicains, eux qui ne cessent de trahir ce que la République a fait de grand. Qu’ils ne s’arrogent donc plus aucun droit de parler au nom de la France, eux qui font affront à la nation.

Même si la droite française est la première à se retrouver sur le banc des accusés, la gauche française est trop longtemps restée muette en la matière. Depuis trop longtemps, celle-ci s’accommode de ce qu’elle ne devrait pas accepter. De peur de perdre, elle perd elle-même ce qui fait sa force, soit son âme de défendre ce pour quoi elle a toujours lutté. Qu’elle prenne enfin son courage à deux mains et qu’elle ne se laisse plus griser par une idéologie dominante qui la domine plus qu’elle ne croit. Elle, qui aurait dû se réveiller à l’heure où le monde se frottait les yeux et essuyait ses larmes devant l’horreur des cadavres enfouis par les eaux de la Méditerranée, ne s’est pas levée assez tôt. Elle n’a pas su exprimer son courroux, alors qu’elle devait être la première à le faire. Et, si elle est dénigrée pour avoir dénoncé, avec raison et conviction, la Hongrie et son horrible mur, tant mieux pour elle. Ces attaques sont sa fierté, tant elles émanent de ces quelques dirigeants européens qui n’ont rien compris à l’Europe, sauf à savoir bénéficier de sa tirelire pour en faire des barbelés.

Contrairement à la Suisse, la France n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais une société de consensus. Elle ne pourra jamais le devenir. Et c’est bien qu’il en soit ainsi. Aujourd’hui, la France doit sortir de sa torpeur et de sa crainte de dénoncer ce qui la mine de l’intérieur. Qu’elle essuie enfin la sueur malodorante de son front national et humecte à nouveau le parfum de la liberté qu’elle s’accorde à elle-même et, plus encore, qu’elle sait accorder aux autres. Elle en a les moyens, à défaut de ne pas toujours en avoir le courage. Pourtant n’est-ce pas d’une France courageuse dont l’Europe aurait aujourd’hui besoin ?

Que l’on ne s’y méprenne pas. Cet article n’est pas anti-français. Au contraire, il défend la France. Celle qui fait honneur à son histoire et dont on aimerait tant qu’elle fasse honneur à son présent. Elle en est capable, peut-être beaucoup plus qu’elle ne le pense elle-même. Aux Européens, François Mitterrand appela, lors de son dernier grand discours tenu à Strasbourg en 1995, de « vaincre [son] histoire et pourtant si on ne la vainc pas [ajouta-t-il], il faut savoir qu’une règle s’imposera, mesdames et messieurs : le nationalisme, c’est la guerre ». Vingt ans plus tard, la guerre n’est pas si éloignée de nos côtes, où ses victimes continuent d’échouer à longueur de journée. Aujourd’hui, la France n’a plus le choix. Pour ne pas tomber elle-même dans le précipice du nationalisme qui la guette, seule demeure ce qui l’a toujours grandie, à savoir sa fidélité à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qu’elle a elle-même rédigée. C’est là être républicain, c’est là faire front pour son idéal et sa nation.

 



09/09/2015
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